Saturday 18 February 2017

Le Cadeau

Voici une petite histoire sombre dans un contexte de Saint-Valentin. 

J'ai attendu quelques jours après le 14 Février pour vous la présenter. Je ne voulais pas enrager les puristes qui trouveraient que cette histoire n'a pas sa place dans le contexte de la fête de l'amour (commercial). 

Bonne lecture!
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Éva se réveille d’un sommeil difficile. Les explosions et les coups de feu au loin l'obligent à revenir dans la cauchemardesque réalité. Elle ouvre les yeux et regarde le plafond du garde-robe ou elle se trouve. Il est de plus en plus difficile de trouver un endroit sécuritaire pour dormir. La guerre a bouleversé sa vie. Elle est la dernière de sa famille. Ses parents et sa petite sœur ont été pris dans un feu croisé il y a un peu plus de trois mois. Il n’y a plus que Sam pour l’accompagner dans la migration vers l’ouest. À l’ouest, il y a des camps de réfugiés. Mais pour s'y rendre, il faut traverser les zones de combats.

Elle regarde autour d’elle et se rends compte que Sam n’est pas là. Il doit être parti chercher de la nourriture.

Se plaçant dos au mur, elle remarque le petit cadeau de Sam. Sur un tapis de fleurs se trouve une belle pomme. Ça doit faire deux semaines qu’elle n’a pas eu la chance d’en manger.

Elle n’ose pas encore la manger. Elle veut attendre Sam. Malgré la faim qui la tenaille, elle se retient. Sam est sa raison de se battre pour survivre. Sans lui, elle serait morte depuis bien longtemps.

Un grattement à la porte attire l’attention d’Éva. Elle frisonne et ramènes ses pieds sous elle. C'est possiblement un rat. Elle reconnait les petits bruits aigus de la créature. Avant la guerre, elle n’avait jamais croisé le chemin d’un messager de la mort. Les souvenirs se bousculent et elle repense à madame Lévesque qui repoussait les rats avec ses dernières réserves d’énergie. Les rats qui étaient en train de lui manger les pieds. Quand Sam et Éva sont arrivés, elle repoussait les rats avec un bâton. Mais les rongeurs revenaient pour continuer à manger la chair de ses pieds. Sam et elle firent en sorte que madame Lévesque puisse mourir avant d’être dévorée par les rats. Des images de cadavre à moitié dévoré se bousculent dans sa tête. Les yeux pleins d’eau, elle sort son petit couteau.

La porte est bien fermée. L’animal abandonne et quitte vers un repas plus facile. Éva n’osera pas sortir. Du moins, tant que Sam ne sera pas de retour.

Sam, celui qui la protège depuis le début de la guerre. Juste le fait de penser à lui, Éva sourit. Le cœur élevé elle regarda la pomme sur son nid de fleur. C’est à ce moment qu’elle remarqua un bout de papier avec son nom qui dépasse des fleurs. Elle le prend et l’ouvre pour lire ce qu’il contient.

Auprès de toi je suis comblé
Dans ce chaos tu es la beauté
Ma motivation pour continuer
Mon souffle de liberté

Chaque jour est rempli d’espoir
Grâce à toi ma belle Éva.

Je te suis totalement dévoué
Maintenant et pour l’éternité.

Bonne Saint-Valentin Éva.

C’est la Saint-Valentin, Éva ne l’avait pas réalisé. Pour ainsi dire, elle n’a pas porté attention à la date depuis un bon moment. Sa vie s’étant concentrée sur le présent avec un tel acharnement qu’elle ne voyait plus l’intérêt d’une date.

C'est grâce à Sam qu'elle a réussi à garder le goût de continuer. Sans lui, elle aurait abandonné il y a longtemps. Se laisser mourir dans cet environnement destructeur ne demande pas d'effort. Chaque jour, des milliers de soldats et de civils meurent. Un de plus ou de moins.

La garde-robe où elle se trouve est leurs cachettes depuis une semaine. Sam fait des sorties pour aller chercher un minimum de nourriture et de l'eau. Mais en dehors de ça, ils ne bougent pas de leurs cachettes. Selon Sam : « Mieux vaut rester caché et avoir faim que de sortir et de mourir d'une balle perdue. »

Le temps s'écoule et par le mouvement de la lumière sous la porte, Éva se rend compte que l'on est presque en fin d'après-midi. Sam revient toujours avant le coucher du soleil. Ce n'est pas normal qu'il ne soit pas déjà revenu.

L'inquiétude la prend au ventre. Et lui fait mal, beaucoup plus mal que la faim. Si quelque chose était arrivé à Sam? Comment pourrait-elle survivre sans lui?

Ramenant ses genoux sur son ventre avec les bras pour les entourer, elle se referme sur elle-même. Se faisant la plus petite possible, elle essaie d'arrêter ses tremblements. La peur, la peur de se retrouver seul dans cet enfer lui tenaille le cœur. Sans Sam, elle ne veut pas continuer. S’il ne revient pas, elle va en finir.

Le soleil est en train de se coucher. La lumière se fait de plus en plus faible sous la porte. La réalité la frappe. Sam ne reviendra pas. Elle est rendue seule.

Prenant son couteau, elle s'ouvre les poignets. La douleur laisse place à l'épuisement qui lui fait perdre connaissance. Étant déjà très faible, ce ne fut pas long pour qu'elle décède.

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Il s’en fut de peu pour qu'il se fasse prendre. Les patrouilles sont de plus en plus agressives dans le secteur. Et cela lui fait réaliser qu'il doit quitter le secteur. Les maigres conserves qu'il a trouvées vont leur permettre de survivre quelques jours et possiblement trouver un nouvel endroit pour s'abriter.

Il retrouve la maison à moitié démolie ou lui et Éva sont installés. L'accès est difficile, mais la garde-robe qu’ils utilisent est presque intacte. Sa localisation fait en sorte que les patrouilles qui passent dans le secteur ne viennent pas les déranger.

À la porte de la garde-robe, Sam croise deux rats qui cherchent à passer sous la porte. Utilisant son couteau, il en élimine un pendant que l'autre se sauve. Ils sont de plus en plus agressifs. La nourriture commence à manquer et ils deviennent plus téméraires. Habituellement, ils vont chercher à manger les victimes des combats. Mais depuis quelque temps, ils osent s'attaquer aux vivants.

Alors qu'il est sur le point d'ouvrir la porte, Sam remarque un liquide qui dépasse un peu sous la porte. La lumière est très faible et il est difficile d'identifier ce que c'est. Il ouvre la porte.

La tête sur les fleurs, Éva est couchée sur le côté. Les yeux ouverts, elle regarde dans le vide. Il remarque les coupures au poignet. Éva s’est suicidée. Sam est figé, il ne comprend pas. Tout allait bien pour eux. Après tout ce temps à se battre pour survivre. Pourquoi elle avait décidé d'abandonner maintenant. Dans sa main, elle tenait le petit mot qu'il lui avait laissé pour la Saint-Valentin.

Tombant à genou, Sam prit Éva dans ses bras pour la bercer doucement. Dans un monde sans guerre, lui et Éva se seraient mariés pour bâtir une famille. Malgré la vie difficile qu'ils avaient présentement, Sam avait quand même l'espoir qu'un jour ils puissent s'en sortir et retrouver une vie normale.

Maintenant, sa raison de continuer venait de disparaître. Sam ne voulut pas bouger. Il resta là à bercer Éva.

La nuit passa. Le jour se présenta.

Quand Sam retrouva un peu de présence dans la réalité, il se rendit compte qu'une vingtaine de rats étaient en train de manger Éva. Avec son couteau, il en tua quelques un, mais la quantité était trop importante pour qu'il puisse prendre le dessus. Il fut mordu et du sortir de là par peur de se faire dévorer lui aussi pas la masse agressive.


Il regarde Éva se faire manger par les rats. Pourquoi continuer? Pourquoi il continuerait à se battre? Dans la lumière faiblissante, Sam s’assoit sur le sol et chuchote doucement : « Si je reste immobile, ils vont sûrement venir s’occuper de moi pour que je puisse la rejoindre. » Sam souri. Ils vont s'en sortir ensemble.