Voici une petite histoire sombre dans un contexte de Saint-Valentin.
J'ai attendu quelques jours après le 14 Février pour vous la présenter. Je ne voulais pas enrager les puristes qui trouveraient que cette histoire n'a pas sa place dans le contexte de la fête de l'amour (commercial).
Bonne lecture!
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Éva se réveille d’un sommeil difficile. Les
explosions et les coups de feu au loin l'obligent à revenir dans la
cauchemardesque réalité. Elle ouvre les yeux et regarde le plafond du
garde-robe ou elle se trouve. Il est de plus en plus difficile de trouver un
endroit sécuritaire pour dormir. La guerre a bouleversé sa vie. Elle est la
dernière de sa famille. Ses parents et sa petite sœur ont été pris dans un feu
croisé il y a un peu plus de trois mois. Il n’y a plus que Sam pour
l’accompagner dans la migration vers l’ouest. À l’ouest, il y a des camps de
réfugiés. Mais pour s'y rendre, il faut traverser les zones de combats.
Elle regarde autour d’elle et se rends compte que
Sam n’est pas là. Il doit être parti chercher de la nourriture.
Se plaçant dos au mur, elle remarque le petit
cadeau de Sam. Sur un tapis de fleurs se trouve une belle pomme. Ça doit faire
deux semaines qu’elle n’a pas eu la chance d’en manger.
Elle n’ose pas encore la manger. Elle veut attendre
Sam. Malgré la faim qui la tenaille, elle se retient. Sam est sa raison de se
battre pour survivre. Sans lui, elle serait morte depuis bien longtemps.
Un grattement à la porte attire l’attention d’Éva.
Elle frisonne et ramènes ses pieds sous elle. C'est possiblement un rat. Elle
reconnait les petits bruits aigus de la créature. Avant la guerre, elle n’avait
jamais croisé le chemin d’un messager de la mort. Les souvenirs se bousculent
et elle repense à madame Lévesque qui repoussait les rats avec ses dernières
réserves d’énergie. Les rats qui étaient en train de lui manger les pieds.
Quand Sam et Éva sont arrivés, elle repoussait les rats avec un bâton. Mais les
rongeurs revenaient pour continuer à manger la chair de ses pieds. Sam et elle
firent en sorte que madame Lévesque puisse mourir avant d’être dévorée par les
rats. Des images de cadavre à moitié dévoré se bousculent dans sa tête. Les
yeux pleins d’eau, elle sort son petit couteau.
La porte est bien fermée. L’animal abandonne et
quitte vers un repas plus facile. Éva n’osera pas sortir. Du moins, tant que
Sam ne sera pas de retour.
Sam, celui qui la protège depuis le début de la
guerre. Juste le fait de penser à lui, Éva sourit. Le cœur élevé elle regarda
la pomme sur son nid de fleur. C’est à ce moment qu’elle remarqua un bout de
papier avec son nom qui dépasse des fleurs. Elle le prend et l’ouvre pour lire
ce qu’il contient.
Auprès de toi je suis comblé
Dans ce chaos tu es la beauté
Ma motivation pour continuer
Mon souffle de liberté
Chaque jour est rempli d’espoir
Grâce à toi ma belle Éva.
Je te suis totalement dévoué
Maintenant et pour l’éternité.
Bonne Saint-Valentin Éva.
C’est la Saint-Valentin, Éva ne l’avait pas
réalisé. Pour ainsi dire, elle n’a pas porté attention à la date depuis un bon
moment. Sa vie s’étant concentrée sur le présent avec un tel acharnement
qu’elle ne voyait plus l’intérêt d’une date.
C'est grâce à Sam qu'elle a réussi à garder le goût
de continuer. Sans lui, elle aurait abandonné il y a longtemps. Se laisser mourir
dans cet environnement destructeur ne demande pas d'effort. Chaque jour, des
milliers de soldats et de civils meurent. Un de plus ou de moins.
La garde-robe où elle se trouve est leurs cachettes
depuis une semaine. Sam fait des sorties pour aller chercher un minimum de
nourriture et de l'eau. Mais en dehors de ça, ils ne bougent pas de leurs
cachettes. Selon Sam : « Mieux vaut rester caché et avoir faim que de sortir et
de mourir d'une balle perdue. »
Le temps s'écoule et par le mouvement de la lumière
sous la porte, Éva se rend compte que l'on est presque en fin d'après-midi. Sam
revient toujours avant le coucher du soleil. Ce n'est pas normal qu'il ne soit
pas déjà revenu.
L'inquiétude la prend au ventre. Et lui fait mal,
beaucoup plus mal que la faim. Si quelque chose était arrivé à Sam? Comment
pourrait-elle survivre sans lui?
Ramenant ses genoux sur son ventre avec les bras
pour les entourer, elle se referme sur elle-même. Se faisant la plus petite
possible, elle essaie d'arrêter ses tremblements. La peur, la peur de se
retrouver seul dans cet enfer lui tenaille le cœur. Sans Sam, elle ne veut pas
continuer. S’il ne revient pas, elle va en finir.
Le soleil est en train de se coucher. La lumière se
fait de plus en plus faible sous la porte. La réalité la frappe. Sam ne
reviendra pas. Elle est rendue seule.
Prenant son couteau, elle s'ouvre les poignets. La
douleur laisse place à l'épuisement qui lui fait perdre connaissance. Étant
déjà très faible, ce ne fut pas long pour qu'elle décède.
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Il s’en fut de peu pour qu'il se fasse prendre. Les
patrouilles sont de plus en plus agressives dans le secteur. Et cela lui fait
réaliser qu'il doit quitter le secteur. Les maigres conserves qu'il a trouvées
vont leur permettre de survivre quelques jours et possiblement trouver un
nouvel endroit pour s'abriter.
Il retrouve la maison à moitié démolie ou lui et
Éva sont installés. L'accès est difficile, mais la garde-robe qu’ils utilisent
est presque intacte. Sa localisation fait en sorte que les patrouilles qui
passent dans le secteur ne viennent pas les déranger.
À la porte de la garde-robe, Sam croise deux rats
qui cherchent à passer sous la porte. Utilisant son couteau, il en élimine un
pendant que l'autre se sauve. Ils sont de plus en plus agressifs. La nourriture
commence à manquer et ils deviennent plus téméraires. Habituellement, ils vont
chercher à manger les victimes des combats. Mais depuis quelque temps, ils
osent s'attaquer aux vivants.
Alors qu'il est sur le point d'ouvrir la porte, Sam
remarque un liquide qui dépasse un peu sous la porte. La lumière est très
faible et il est difficile d'identifier ce que c'est. Il ouvre la porte.
La tête sur les fleurs, Éva est couchée sur le
côté. Les yeux ouverts, elle regarde dans le vide. Il remarque les coupures au
poignet. Éva s’est suicidée. Sam est figé, il ne comprend pas. Tout allait bien
pour eux. Après tout ce temps à se battre pour survivre. Pourquoi elle avait
décidé d'abandonner maintenant. Dans sa main, elle tenait le petit mot qu'il
lui avait laissé pour la Saint-Valentin.
Tombant à genou, Sam prit Éva dans ses bras pour la
bercer doucement. Dans un monde sans guerre, lui et Éva se seraient mariés pour
bâtir une famille. Malgré la vie difficile qu'ils avaient présentement, Sam
avait quand même l'espoir qu'un jour ils puissent s'en sortir et retrouver une
vie normale.
Maintenant, sa raison de continuer venait de
disparaître. Sam ne voulut pas bouger. Il resta là à bercer Éva.
La nuit passa. Le jour se présenta.
Quand Sam retrouva un peu de présence dans la
réalité, il se rendit compte qu'une vingtaine de rats étaient en train de
manger Éva. Avec son couteau, il en tua quelques un, mais la quantité était
trop importante pour qu'il puisse prendre le dessus. Il fut mordu et du sortir
de là par peur de se faire dévorer lui aussi pas la masse agressive.
Il regarde Éva se faire manger par les rats.
Pourquoi continuer? Pourquoi il continuerait à se battre? Dans la lumière
faiblissante, Sam s’assoit sur le sol et chuchote doucement : « Si je reste immobile,
ils vont sûrement venir s’occuper de moi pour que je puisse la rejoindre. » Sam souri. Ils
vont s'en sortir ensemble.